Ordre National du Mérite

Le 18 janvier 2017, Serge Hayat s’est vu remettre l’Ordre National du Mérite par la Ministre de la Culture, Audrey Azoulay, lors d’une cérémonie tenue au Ministère de la Culture.

A cette occasion, il a tenu à exprimer ses remerciements :

« Madame la Ministre, chère Audrey,
Chers Parents,
Chère Famille,
Chers Amis,

Je suis très ému et fier de recevoir cette distinction, je suis reconnaissant au CNC et au Ministère de la Culture d’avoir proposé ma candidature à l’Ordre National du Mérite. C’est un grand honneur que vous me faites.

Les propos aimables et élogieux que tu viens de tenir à mon égard, chère Audrey, me touchent profondément. Je suis particulièrement sensible à ce que ce soit toi qui me remettes cette décoration et je t’en remercie infiniment. Nous avons travaillé ensemble lorsque tu étais au CNC. J’ai pu constater la rapidité avec laquelle tu es capable d’appréhender les dossiers, l’efficacité de tes réflexions, à la fois mues par une vision globale de politique culturelle mais aussi par un pragmatisme concret, connaissant parfaitement les détails du terrain. La culture te doit beaucoup et pas seulement depuis que tu en es la Ministre.

Je remercie toute ton équipe qui a rendu possible que cette remise de décoration se déroule ici, rue de Valois, c’est très important pour moi. D’abord par ce que c’est un lieu chargé d’une longue histoire, j’ai d’ailleurs situé une partie de l’action de mon premier roman sous les arcades du palais royal. Ensuite parce que le Ministère de la Culture symbolise deux valeurs essentielles pour moi. La République Française, à laquelle je suis profondément attaché et la Culture à laquelle je consacre aujourd’hui l’essentiel de ma vie professionnelle et associative.

Beaucoup d’entre vous savent que je suis un grand fan de Napoléon. En parlant des décorations, il disait que c’est « avec les hochets qu’on mène les hommes ». J’ai réellement compris ce qu’il voulait dire en constatant le plaisir que j’ai ressenti en ouvrant le courrier m’annonçant la nouvelle de cette décoration. Je me suis ensuite demandé ce que j’avais bien pu faire pour mériter une telle distinction et je vous avoue que je ne suis pas sûr d’avoir trouvé de vraies réponses. Car si mes « mérites » se trouvent dans mon parcours, alors je les dois à tous ceux qui y ont participé, vous qui êtes là ce soir et tous ceux qui n’ont pu venir. Les rencontres, les compétences, les expériences partagées, la bienveillance et les soutiens dont j’ai bénéficié ont rendu tout cela possible et je vous en remercie infiniment.

Je pense en particulier à quatre personnes qui ne peuvent être là aujourd’hui puisqu’elles nous ont quittés il y a plusieurs années maintenant, ce sont mes grands-parents. Ils ont passé la plus grande partie de leur vie en Tunisie. Ils ont dû en partir à regret pour rejoindre la métropole quand l’heure du choix avait sonné. Ils étaient en effet profondément attachés à la république française.

Mon grand-père paternel a 11 ans lorsqu’il perd son père et sa mère à quelques mois d’intervalle ; il doit commencer à travailler très jeune pour subsister et prendre soin de sa jeune sœur ; il va gravir tous les échelons d’une banque à Tunis ; n’ayant pu faire assez d’études, il a toute sa vie considéré avec sa femme que l’éducation de leurs enfants et petits-enfants était une priorité.

Mon grand paternel a 60 ans lorsqu’il doit recommencer sa vie professionnelle à 0. Déjà entrepreneur en Tunisie, il doit tout abandonner sur place dans un départ précipité. Il arrive dans cette métropole qu’il connaît à peine et décide de monter une nouvelle entreprise à partir de rien, elle existe encore aujourd’hui.

Je suis sûr qu’ils seraient très fiers de me voir ici, exemple concret d’une intégration qui a fonctionné.

L’éducation d’un côté et l’entrepreneuriat de l’autre. Deux composantes déjà très présentes chez mes grands-parents et qui ont défini mon parcours.

J’ai fait presque toute ma scolarité au lycée Carnot, tout près d’ici. Curieuse coïncidence puisque mon père a fait la sienne au lycée Carnot … de Tunis ! J’y ai eu une scolarité plutôt heureuse même si je dois reconnaître que j’étais ce qu’il faut bien appeler un polar un peu immature. C’est un lycée magnifique dessiné par Gustave Eiffel avec un hall sous une verrière incroyable. Mes enfants y ont également fait leur scolarité secondaire. J’y suis président d’une des fédérations de parents d’élèves depuis 14 ans parce qu’il me semble important de défendre l’école de la République.

Après l’Ecole Centrale, où j’ai compris que je n’étais pas fait pour être ingénieur, l’ESSEC a changé ma vie. Je lui dois mon premier salaire, j’y ai trouvé ma femme, j’y ai créé ma première entreprise, [je ne le dis pas forcément dans l’ordre]. Et j’y connais depuis bientôt 30 ans les intenses satisfactions que procure l’enseignement. Rencontrer les étudiants, les voir grandir, les armer pour la vie qui les attend, les inciter à croire en l’avenir et à tout simplement aimer la vie. J’y prends beaucoup de plaisir, surtout quand je les revois quelques années plus tard et qu’ils ont trouvé leur propre chemin. Ils croient que je leur donne beaucoup, en réalité ce sont eux qui me nourrissent et me maintiennent dans la réalité de demain.

Ils me posent souvent la question, est ce qu’il vaut mieux entreprendre ou pas ? Je suis peut être inconscient mais je ne me suis jamais posé la question pour moi-même, c’était simplement une évidence, une nécessité absolue. Il faut dire que j’avais deux modèles impressionnants, mon grand-père maternel – dont j’ai déjà parlé – et mon père, qui a toute sa vie été un entrepreneur. Mes parents m’ont transmis des valeurs essentielles pour entreprendre, le goût du travail, de la justice, la capacité à encaisser les coups durs, à se dire que « les affaires », comme me répète mon père, « ça va ça vient », « tant que ce n’est que de l’argent, ce n’est pas grave », la capacité à se persuader que même quand ça va mal, rien n’est perdu tant que la balle de match n’est pas encore jouée. Ils m’ont fait comprendre très tôt le plaisir que procurent l’indépendance et la liberté. Comme aurait pu dire Georges Lucas, l’entrepreneuriat est fort dans notre famille. Ma femme et ma sœur ont aussi sauté le pas pour monter leur entreprise. Et mon frère est un serial entrepreneur incroyable. Son dévouement à la cause de l’entrepreneuriat force l’admiration avec cette formidable association qu’est 100.000 entrepreneurs. Ses conseils me sont précieux et j’en abuse souvent.

J’ai créé ma première entreprise quand j’étais étudiant. J’ai appris mon métier de chef d’entreprise sur le tas, en marchant, ou plutôt en courant. En fait, ce sont mes collaborateurs qui me l’ont appris, qui m’ont fait comprendre que mon rôle était surtout d’animer, de les rendre meilleurs que moi dans leur domaine, et bien sûr d’être le meilleur ambassadeur commercial possible. Faire croître cette entreprise de 0 à 200 salariés, et l’amener en bourse 12 ans plus tard a été une expérience extraordinaire.

 Tout comme ces trois années que nous avons passées ensuite avec mon frère dans notre incubateur de start up aux temps bénis de l’explosion d’internet, dans les années 2000.

Education et entrepreneuriat donc. Deux valeurs que nous avons pu réunir avec mon frère dans les filières entrepreneuriat que nous avons créées, à son initiative, à l’ESSEC et à Sciences Po.

Déjà au collège, j’avais une passion : le cinéma. Je n’avais jamais vraiment osé y rentrer de manière professionnelle. A 42 ans, je me suis dit que si je ne le faisais pas maintenant, je ne le ferais jamais.

Vous êtes nombreux du cinéma et de l’audiovisuel dans cette salle et vous êtes tous bien placés pour savoir combien il est difficile de rentrer dans notre secteur quand on n’est personne ! Je n’ai pas fait exception à la règle, ça a été un parcours du combattant. Alors je me suis auto appliqué les conseils d’entrepreneur que je donne à mes élèves, histoire de vérifier qu’ils marchent : repérer les opportunités et les dysfonctionnements, trouver sa valeur ajoutée, ne jamais se décourager car tout finit par arriver. Grâce et avec plusieurs d’entre vous, j’ai créé des sociétés de production, la SOFICA Cinémage, le site de financement participatif Peopleforcinema, j’y ai repris l’agence de talents Cinéart rebaptisée Talent Box, j’y ai monté les sociétés Capucine pour inventer de nouvelles ingénieries financières. Et j’ai accepté avec enthousiasme de m’associer à cette entreprise formidable qu’est Federation Entertainment. J’ai relié tout cela à l’éducation en créant la Chaire Media et Digital à l’ESSEC.

 Depuis 12 ans, avec mes camarades et collègues, nous agissons pour soutenir l’émergence de nouveaux talents, la production indépendante, la diversité, l’adaptation des séries à un niveau de qualité international, nous tentons d’imaginer de nouveaux modèles de financement. Nous avons encore beaucoup à faire pour développer une exception culturelle française ouverte sur le monde.

Ce n’est que très récemment que j’ai osé m’attaquer à ce qui a représenté pour moi la plus difficile entreprise que j’ai jamais montée, tout en étant la plus petite puisqu’avec un seul produit : mon premier roman. J’ai mentionné les nombreuses qualités de ma famille, mais là je dois avouer qu’on avait atteint les limites du modèle. La vie d’artiste, à priori, ce n’est pas dans l’ADN naturel des Hayat. Heureusement que mon frère avait osé franchir le pas le premier avec son formidable « Momo des Halles », ça m’a encouragé à le faire également. Je suis infiniment reconnaissant à l’équipe de Allary Editions d’avoir fait confiance à un apprenti auteur de plus de 50 ans qui écrivait son premier roman, une fiction historique de surcroît ! Ecrire et faire la promotion de l’Empire en Héritage a été une expérience incroyablement excitante.

 

Je vais terminer par le plus important.

Amaury, Lauriane et Amandine. Je ne suis pas sûr d’être un bon père mais vous, vous êtes les enfants les plus extraordinaires qu’un père puisse rêver.

 Et bien sûr l’amour de ma vie, Martine, sans qui rien de ce que j’ai accompli, depuis les tous débuts de ma première société, n’aurait été possible. Ce n’est pas une formule rhétorique, c’est vrai au quotidien, concrètement, psychologiquement, affectivement. Je lui voue un amour et une reconnaissance infinie.

 Votre présence à tous ce soir m’honore vraiment et me touche profondément. J’ai beaucoup de chance de vous connaître. Merci, chère Audrey, de nous avoir rassemblés pour cette occasion. »